La Chine est-elle le pire pays au monde pour être un fan ? A lire deux récentes directives, les autorités aimeraient bien gâcher la fête. Le 27 août puis le 2 septembre, les administrations chargées respectivement du cyberespace et de l’audiovisuel ont introduit plusieurs recommandations fermes visant les fans, les médias mais aussi les stars elles-mêmes. Le but, mettre fin aux excès des fanquans, ces communautés où règneraient l’idolâtrie et le gaspillage, et réinjecter l’idéologie officielle dans le monde du divertissement.
La première directive interdit de classer les célébrités par popularité, suggérant plutôt de classer leurs oeuvres, qui ne sauraient être moins importantes que ceux qui les créent. Est également proscrit le fait de conditionner un vote pour une émission à un achat, une référence probable à l’affaire du yaourt à boire gaspillé pour une télé-réalité. Le texte s’attaque également aux fanbars, les comptes en ligne des fanclubs, qui devront se tenir à carreau : finies les guerres intestines, les rumeurs malveillantes et les collectes de fonds illégales, explique le Global Times, un quotidien d’Etat. La deuxième directive dissuade la participation d’”hommes efféminés” aux émissions de variété, interdit les télé-réalités compétitives et demande que soient mises en avant l’esthétique et les valeurs approuvées par le parti. En plus de leur conformité idéologique, elle exige également des personnalités une éthique irréprochable, à rebours des scandales qui secouent le star-system chinois.
Les fans de K-pop doivent-ils vraiment s’inquiéter ? Peut-être que non… sauf s’ils se font trop remarquer. Dimanche, Weibo, souvent surnommé le Twitter chinois, a suspendu pour 60 jours le fanbar de Jimin de BTS, qui avait organisé une collecte de fonds jugée illégale pour fêter son anniversaire, le 13 octobre. L’équipe derrière le très suivi JiminBarChina comptait notamment louer un avion décoré du visage de la star, prévu pour voler en Corée du Sud pendant trois mois. 2,3 millions de ¥, soit environ 300 000 €, avaient été récoltés en une heure. Dans un communiqué, le site a prévenu qu’il était “fermement opposé à ce genre de comportements irrationnels de coureurs de célébrités”.
Weibo ne s’est d’ailleurs pas arrêté là et a suspendu quelques heures plus tard une vingtaine de comptes dédiés à des groupes ou à leurs membres, pour 30 jours cette fois. Parmi les victimes : BTS, EXO, mais aussi Lisa de BLACKPINK, RM de BTS ou encore Seulgi de Red Velvet. D’après Allen Huang, alias Hojo, DJ et contributeur de l’excellent blog Asian Junkie, le site aurait agi sur la base de signalements, ce qui laisse supposer que les antis sont passés par là. Si certains fanbars ont préféré annuler leurs projets pour éviter les ennuis, il n’y a pas lieu de s’inquiéter plus que ça selon lui. En évitant les annonces tapageuses, voire en s’éloignant du très surveillé Weibo, les fans pourront encore stan en paix, juge-t-il auprès du New York Times.
Les artistes ont-ils plus à perdre ? De nombreux groupes de K-pop comptent des membres chinois dans leurs rangs, comme EVERGLOW (avec Yiren) ou WJSN (avec Cheng Xiao, Xuanyi et Meiqi). Il y a quelques semaines, je vous parlais aussi de la télé-réalité musicale Girls Planet 999, à laquelle participent 33 candidates chinoises, dont certaines, sait-on jamais, pourraient gagner leur place dans le groupe de neuf membres formé à l’issue de l’émission. Les Chinois pourraient-ils purement et simplement disparaître du paysage ? Si elles doivent sans cesse marcher sur des oeufs, les agences pourraient être tentées de délaisser ces recrues. Pour l’heure, une rumeur venue des médias taïwanais laisse entendre que les artistes possédant la double nationalité auraient du souci à se faire. La Chine n’a cependant pas fait d’annonce officielle à ce sujet.
A terme, les profits des agences sont-ils menacés ? Selon le Korea Times, les ventes de K-pop à l’étranger ont rapporté 30,7 milliards de ₩ en juillet, soit environ 22 millions d’euros, dont un record de près de 7 millions pour la Chine. Au cours des six premiers mois de 2021, le pays a représenté 10,3% de la K-pop écoulée dans le monde selon l’entreprise Hanteo, des chiffres établis via l’authentification des ventes par les acheteurs eux-mêmes. Tencent a cependant glissé un grain de sable dans la machine en interdisant d’acheter plusieurs copies numériques d’un album sur sa plateforme QQ Music*. Quand il s’agit de faire grimper ses idoles dans les charts, l’achat d’album en gros est une tactique éprouvée, évidemment génératrice de profit. Le journal note cependant que les albums, singles et autres EP ne sont plus aujourd’hui qu’une source de revenus parmi d’autres pour les agences. Un analyste interrogé par le Korea Herald ajoute que les ventes de musique en Chine représentent tout au plus 2% des revenus des quatre géants sud-coréens. Il faudra encore attendre pour évaluer les réelles conséquences des directives chinoises. En attendant, mieux vaut ne pas en faire trop avec les anniversaires.
*Je ne comprends pas bien comment on peut acheter plusieurs fois un album numérique, mais je n’ai pas trouvé de réelle clarification.
■ LA SEMAINE
Je vous parlais la semaine dernière des festivals de musique japonais, qui se trouvent dans une mauvaise passe à cause du respect très relatif des gestes barrière au Namimonogatari2021. Selon la préfecture d’Aichi, où se tenait l’événement, 22 participants ont depuis été testés positifs au Covid-19. Sur 8 000 billets vendus, c’est peu, mais c’est assez pour lâcher un “je vous l’avait dit”. Le Supersonic, censé se tenir le week-end des 18 et 19 septembre en tant qu’alternative au Summer Sonic, a perdu le soutien de la mairie de Chiba, qui souhaitait le voir reporté. Face à la difficulté d’annuler les festivités une semaine avant, la ville dépêchera ses agents sur place pour s’assurer du respect des règles de base. A noter que des DJ étrangers ont reçu à titre exceptionnel l’autorisation de participer. Ce n’est pas comme si la préfecture de Chiba était sous état d’urgence sanitaire…
Le magazine des cultures asiatiques Koï ferme ses portes sous sa forme actuelle. Le N°24, dont le dossier est consacré aux vins et spiritueux, sera le dernier jusqu’à ce que le titre renaisse sous une forme qui reste à déterminer. Dans une lettre aux abonnés, l’équipe justifie son choix par des difficultés économiques touchant à la publicité et au prix du papier. Si le futur de Koï vous intéresse, vous pouvez envoyer vos suggestions par e-mail.
KOM_I de Wednesday Campanella n’est plus KOM_I de Wednesday Campanella. GACKT met sa carrière en pause à cause de problèmes de santé affectant sa voix. Le cinquième album de Kyary Pamyu Pamyu s’intitule Candy Racer et sort le 27 octobre. Le trio indie rock féminin Hitsujibungaku signe l’opening de l’animé The Heike Story. Les fans thaïlandais de Lisa de BLACKPINK sont fiers du succès de l’enfant du pays. Le drama Netflix Deserter Pursuit alimente le débat sur la violence dans l’armée sud-coréenne. Le PDG du studio Tripwire Interactive démissionne après avoir défendu la loi anti-avortement au Texas. Le développeur de Bugsnax Young Horses s’essaye à la semaine de travail de quatre jours. Twitch attaque en justice deux utilisateurs soupçonnés d’organiser des raids haineux. Les fans givrés du film d’animation Promare peuvent transmettre leur folie à leurs animaux.
■ LE MORCEAU
Alors comme ça, on aime le rock des années 1990 ? Si vous n’avez toujours pas lâché les Smashing Pumpkins et autres figures du rock alternatif, alors vous trouverez sans doute quelque chose de plaisant dans le dernier EP de Meaningful Stone. Sorti mercredi, Cobalt rassemble cinq morceaux (dont un interlude) qui ne révolutionnent rien mais donnent tout de même envie de dépoussiérer sa guitare avec quelques amis comme dans le clip de Dancing in the Rain. Meaningful Stone est le nom d’artiste de Kim Ji-min, 25 ans, déjà remarquée par les bonnes âmes de Korean Indie à la sortie de son premier album A Call from My Dream, il y a un an. Elle y pratiquait alors une musique moins rêche et plus rêveuse.
■ LE LIVRE
En sortant du collège, Ju-kyeong a décidé d’arrêter d’être moche. Fatiguée d’être harcelée par les uns et ignorée par les autres, l’adolescente est soudain devenue la reine du maquillage et s’est vite attirée de nouvelles amies au lycée. Elle vit cependant dans la peur que l’une d’entre elles voit son vrai visage, sans la colle à double paupière, les lentilles et le mascara. Et que dire des garçons qu’elle s’autorise désormais à convoiter mais qui, pense-t-elle, risquent de s’enfuir s’ils la voient au naturel ? Dans True Beauty, l’autrice Yaongyi explore le thème de la switch girl avec pour cadre la société sud-coréenne, dont l’obsession pour la beauté est notoire. Publiée sous forme de webtoon, l’oeuvre a entamé mercredi sa publication en volume relié chez KBOOKS, une division du groupe Delcourt, lequel édite également la plateforme Verytoon. En toute franchise, j’ai acheté ce titre en me demandant s’il m’intéresserait, mais personne ne m’avait prévenu que l’héroïne aimait le metal, le punk rock et les mangas d’horreur de Junji Ito. Grâce à ça, j’ai tout de suite ressenti de l’affection pour la “vraie” Ju-kyeong, et soutenu ses tentatives de devenir quelqu’un d’autre par la magie des tutos en ligne. Webtoon oblige, toutes les pages sont en couleur mais cela se paye, avec un tome vendu à 14,95 €. La patte graphique particulière mérite le feuilletage pour être sûr qu’on a envie de se lancer dans l’aventure. Sortie du tome 2 le 10 novembre.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
🎥 La nouvelle édition de L’Etrange Festival se poursuit jusqu’au 19 septembre au Forum des Images, et je vous la recommande. Les deux séances de Prisoners of the Ghostland de Sion Sono ont été prises d’assaut, mais il reste quelques films japonais et sud-coréens à voir, notamment du côté des focus consacrés à Atsushi Yamatoya et Yuzo Kawashima.
2 rue du cinéma, 75001 Paris
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
📷 La galerie Da-End expose également une vingtaine de photos de Daido Moriyama tirées de sa série Erotica jusqu’au 25 septembre. L’exposition est intitulée Onna (Femmes).
17 rue Guénégaud, 75006 Paris
📷 La Maison européenne de la photographie accueille avec Home Again l’oeuvre unique de la japonaise Mari Katayama. Atteinte d’une maladie rare, elle a choisi l’amputation des jambes à neuf ans et réalise aujourd’hui des autoportraits où elle met en scène son corps. A voir jusqu’au 24 octobre.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
🎥 Le cinéma MK2 Bibliothèque programme 12 films d’animation japonaise à raison d’un par dimanche à partir du 5 septembre. Les trois derniers films ne sont pas encore connus, mais sont déjà annoncés Les Enfants de la mer, Promare, Akira ou encore Liz et l’Oiseau bleu. Une avant-première de 7 Jours de Yuuta Murano aura même lieu le 3 octobre. Dernière projection le 12 décembre.
128/162 avenue de France, 75013 Paris
■ WWWWWWWWW
C’était Cyberia N°#009. A samedi !
@presenceinwired
Photo : Twitter/JIMINBAR_CHINA