Elles sont 99. 33 Chinoises, 33 Japonaises, 33 Sud-Coréennes, prêtes à tout donner sous l’oeil des caméras pour décrocher leur place dans un groupe de neuf membres. Lancée vendredi, Girls Planet 999, la nouvelle télé-réalité musicale de la chaîne du câble sud-coréenne Mnet, promet comme ses prédécesseurs d’alimenter en drama les fans suspendus à sa diffusion hebdomadaire. Coachées par des grands noms de la K-pop comme Sunmi et Tiffany Young (ex-Girls Generation), les candidates ont douze semaines pour s’emparer du coeur des spectateurs, seuls maîtres de leur destinée grâce à leurs votes. Enfin, sur le papier…
Un spectre hante en effet le plateau de Girls Planet 999 : le scandale des votes trafiqués de Produce 101. Comme son nom l’indique, la franchise créée par Mnet proposait aux fans d’endosser le rôle de producteur en décidant de la composition, du concept et même du nom du groupe formé à l’issue de chaque saison. Les formations en question se produisaient ensuite pendant un temps donné, avant de se séparer pour permettre à leurs membres d’aller cueillir les fruits mûrs de la gloire. En quatre itérations, de 2016 à 2019, Produce 101 version filles et garçons et leurs suites, Produce 48 et Produce X 101, ont ainsi donné naissance à I.O.I, Wanna One, IZ*ONE et X1. A l’instar d’IZ*ONE, les trois premiers se sont fait un nom… mais le dernier a disparu presque aussi vite qu’il est apparu.
Pour comprendre pourquoi, il faut d’abord en passer par un peu de mathématiques. En juillet 2019, Produce X 101 a pris fin et des fans ont immédiatement remarqué d’étranges coïncidences dans les résultats du dernier tour de scrutin. Plusieurs candidats étaient séparés par le même nombre de votes : 29 978 cinq fois, 7494 et 7495 deux fois… Sans parler des résultats eux-mêmes, tous multiples de 7494,442. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Suspectée de manipulation, Mnet a d’abord choisi d’ignorer les critiques avant d’admettre des erreurs de calcul… qui ne remettaient en cause ni le classement final ni, in fine, le line-up de X1. La chaîne a tout de même demandé à la police d’ouvrir une enquête, et 272 fans ont uni leurs forces pour solliciter les services d’une avocate afin de lancer une action de groupe.
Tout est ensuite allé très vite. Dès la fin juillet 2019, la police de Séoul a perquisitionné les locaux de CJ ENM, propriétaire de Mnet, et découvert un enregistrement sonore dans lequel des employés évoquaient le truquage de plusieurs saisons de la franchise Produce 101. Ni une ni deux, deux mois plus tard, les autorités ont étendu leur enquête à toutes des saisons de l’émission mais aussi à d’autres télé-réalités musicales diffusées par la chaîne, dont Idol School. En novembre 2019, les premiers mandats d’arrêt ont été émis, visant notamment les producteurs Ahn Joon-young et Kim Yong-bum.
Devant les policiers, Ahn Joon-young a d’abord admis avoir manipulé les résultats de Produce X 101 et Produce 48, avant de reconnaître avoir aussi touché à ceux des deux premières saisons de Produce 101. Avec son comparse Kim Yong-bum, le producteur a établi avant la diffusion des finales la liste des gagnants de Produce X 101 et Produce 48. Les voix d’un candidat ont plusieurs fois été attribuées à un autre, voire ajoutées à celles d’un autre, privant certains d’une chance de faire partie d’un des groupes. Les agences elles-mêmes y sont allées de leurs petits cadeaux, dépensant des millions de wons pour offrir du bon temps à Ahn Joon-young dans des établissements sexys. Quant aux premiers concernés, les candidats eux-mêmes, l’émission d’investigation de la chaîne MBC leur a permis d’expliquer comment, peu à peu, ils ont acquis le sentiment d’être les acteurs d’un scénario écrit à l’avance.
Le procès de l’affaire Produce 101 a été suivi d’un appel puis d’un recours devant la Cour suprême. En mars dernier, les juges ont confirmé les condamnations d’Ahn Joon-young et Kim Yong-bum : deux ans de prison et 37 000 000 ₩ d’amende (environ 27 000 €) pour le premier, 20 mois de prison pour le second. Un assistant producteur s’en est sorti avec une amende, et cinq responsables d’agences ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Terni par le scandale, le groupe X1 s’est séparé en janvier 2020, six mois à peine après ses débuts. Et pas plus tard que lundi, Mnet a annoncé avoir dédommagé onze des douze candidats lésés par ses tripatouillages. Pas facile pour la chaîne de lancer un programme dans un tel contexte, et pourtant… Girls Planet 999 est là, avec ses candidates, sa chanson et deux trois soupçons. Le vote est ouvert au monde entier et a lieu cette fois sur l’application UNIVERSE. L’usage de la plateforme de NCSOFT, un éditeur de jeux vidéo, devrait limiter les risques d’ingérence de la part de Mnet. En tout cas, je l’espère. Les maths n’ont jamais été trop mon truc…
■ LA SEMAINE
Est-ce que Chiaki J. Konaka va bien ? Le scénariste de Serial Experiments Lain (un animé qu'on aime bien par ici) serait devenu un amateur de youtubeurs conspirationnistes, à en croire des extraits de billets de blog traduits par un internaute. Inquiet d’une censure des “points de vue différents” par les géants du web, l’auteur a même profité du DigiFes 2021, un événement consacré à la franchise Digimon, pour faire passer ses idées. 20 ans après avoir scénarisé l’animé Digimon Tamers, il a trouvé un nouvel ennemi aux petits monstres : le politiquement correct, et son attaque “Cancel Culture”. Dimanche, les comédiens de doublage ont lu sur scène le texte mettant en scène la confrontation avec l’ennemi en question. Le contenu des dialogues a suscité la consternation des fans, et je ne peux m’empêcher d’être un peu inquiet pour Despera. Si ça parle de cancel culture, je vais m’énerver.
Le cofondateur du développeur Fullbright (Gone Home, Tacoma) a quitté ses fonctions de directeur créatif d’Open Roads, après le départ d’une quinzaine d’employés en trois ans. L’enquête de Polygon sur Steve Gaynor décrit un style de management “dévalorisant” et une attitude de “contrôle permanent”, dont les femmes auraient particulièrement souffert. Une situation qui affecte le développement du jeu, lequel ne sortira pas en 2021. Si vous pensiez que l’herbe était plus verte chez les indépendants… c’est raté.
Au fait, comment se portent les anciennes membres d’I.O.I et IZ*ONE ? Arrivée N°1 de Produce 101, SOMI a sorti lundi son nouveau single Dumb Dumb (le refrain est cool). L’ancienne leader d’IZ*ONE Kwon Eunbi devrait elle se lancer en solo d’ici la fin du mois. J’en profite pour citer la finaliste de Produce 48 Miyu Takeuchi, qui raconte au Japan Times pourquoi elle préfère suivre la voie de l’indépendance et publier des reprises city pop sur YouTube plutôt que de se perdre à nouveau dans une grosse machine. We stan.
Keigo Oyamada, alias Cornelius, est retiré de l’affiche du festival Fuji Rock. LiSA prend une pause pour se reposer après la révélation des infidélités de son mari. La K-pop ambiance les stades vides aux Jeux olympiques de Tokyo. BLACKPINK propose une île Animal Crossing aux fans qui voudraient plutôt le solo de Lisa. Le community manager de la BBC ne s’y connaît pas trop en gros robots. Des élèves d’un lycée pour filles japonais ont créé un club d’e-sport. Les médias continuent d’enquêter sur Activision Blizzard pendant que les têtes commencent à tomber. Halo Infinite a meilleure mine que l’été dernier et c’est Digital Foundry qui le dit.
■ LE MORCEAU
Vous avez peut-être remarqué que j’aime bien les choses qui font peur. Alors, quand XX Entertainment a annoncé le nouvel “HORROR SINGLE” d’Ahn Ye-eun, j’y ai prêté une oreille attentive. Dans Changgwi, le formidable chant d’inspiration traditionnelle de la chanteuse est mis au service d’un récit tiré du folklore sud-coréen. Le changgwi est l’esprit d’un homme dévoré par un tigre démoniaque, qui le retient prisonnier et l’utilise pour attirer d’autres proies. D’après la légende, il mène le monstre devant la maison de ses proches et les attire en appelant leur nom d’une voix émouvante. Inquiétant, n’est-ce pas ? Le clip comporte de jolis moments de projection mapping réalisés par HWAN, et les visuels rouge sang de la lyric video ne sont pas mal non plus. Je suis curieux de voir si la suite va rester dans cette veine. A suivre.
■ LE FILM
Vous qui lisez cette phrase, ne perdez pas une seconde. Envie de voir BLACKPINK : The Movie au cinéma ? Il vous reste deux jours, car après, il sera trop tard. Sorti mercredi, le film est à l’affiche jusqu’au 8 août, date anniversaire pour le groupe qui a sorti il y a cinq ans jour pour jour son premier single Square One. Les places peuvent être réservées sur ce site, et le temps presse. Au menu, beaucoup de performances live et des interviews des membres du quatuor, entrecoupées de séquences backstage. Pendant ce temps, BLACKPINK : Light Up the Sky est toujours sur Netflix et ne devrait pas disparaître du jour au lendemain.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
📷 En complément, 22 photos de Daido Moriyama prises à Paris et Tokyo sont exposées en plein air au parc des Rives de Seine. L’accrochage dure jusqu’au 22 août.
Quai des Célestins, 75004 Paris
🎥 Le festival de cinéma lyonnais Hallucinations Collectives s’ouvrira le 31 août avec le très attendu Belle de Mamoru Hosoda. Shin Godzilla de Shinji Higuchi et Hideaki Anno clôturera les festivités le 6 septembre. D’autres pellicules japonaises sont au programme, dont Cold Fish de Sion Sono et Mind Game de Masaaki Yuasa. Les réservations sont déjà ouvertes.
13 avenue Berthelot, 69007 Lyon
🎨 Le Centre culturel coréen à Paris propose une exposition gratuite qui devrait ravir les amoureux des livres. Intitulée Minhwa “Chaekgeori... de la beauté des livres”, elle rassemble les oeuvres d’artistes contemporains inspirés des natures mortes de style chaekgeori, centrées sur les livres et l’écriture. A voir jusqu’au 10 septembre.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
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C’était Cyberia N°#004. A samedi !
@presenceinwired