✨ Bonjour, vous lisez Cyberia #037 !
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🎶 Playlist : Cyberia Mix
Musique. Dans un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, où les lolcats dominaient le web et personne n’était à l’abri d’un rickroll, une phrase revenait de temps à autres dans certains recoins du web : this is why we can’t have nice things. Accolée comme il se doit à une photo de chat, l’expression surgissait dès lors que quelque chose de prometteur était gâché, comme pour marquer les petites et grosses déceptions qui jalonnent le quotidien. L’enchaînement des événements concernant le groupe NewJeans a tout à voir avec ce vieux mème : il y a d’abord un départ engageant, puis un gros dérapage. Et il y a aussi des moins de 20 ans.
Le nouveau groupe féminin lancé par ADOR, label rattaché au mastodonte sud-coréen HYBE Corporation (BTS), a publié plusieurs clips d’un coup avant même la date de son debut, le 1er août. A partir du 22 juillet, nous avons ainsi découvert trois morceaux dont la fraîcheur a été saluée par les amateurs de K-pop : Attention, Hype Boy et Hurt. Pas de girl crush ni de clip spectaculaire à l’horizon, ici le son est léger, l’attitude décontractée, les vibes d’été qu’on aime, en somme. Et bon sang que les deux premières chansons sont addictives. Malheureusement, si tout était positif dans cette histoire, mon propos liminaire n’aurait pas lieu d’être, je dois donc en venir à ce qui ne va pas. Mon objectif ? Malaise.
Parmi les cinq membres de NewJeans, quatre sont mineures, et une est majeure. Quand je dis majeure, c’est 18 ans, donc tout juste. La plus jeune, elle, a 14 ans. D’où une succession de commentaires : sur les risques de faire entrer des adolescentes dans le monde de la K-pop, d’abord. Sur ce que les stylistes leur font porter dans les clips, ensuite. Mais c’est la vidéo de Hurt, et ses trois minutes de close-up inconfortables, qui a provoqué les réactions les plus virulentes.
“Avec cette vidéo, HYBE vise en même temps les jeunes amateurs de K-pop et les fans qui ont l’âge d’être leur oncle”, lit-on par exemple sur le blog KPOPALYPSE, “vendant un concept qui sera perçu de manière innocente par les ados, et de façon plus suggestive par leurs aînés”. Un lecteur du blog Pann Choa affirme même avoir constaté que “les photos des membres [de NewJeans] et le clip de Hurt” étaient “partagés dans certaines communautés en ligne” comme de la “pornographie saine”, référence à la tristement célèbre phrase prononcée par le producteur de la télé-réalité musicale Produce 101. Pour certains, la faute revient à Min Hee-jin, directrice artistique partie de SM Entertainment pour diriger le label ADOR, dont les goûts esthétiques trahiraient un goût pour l’érotisation des adolescentes, explique Asian Junkie.
Une mauvaise pub qui n’inquiète probablement pas les responsables, trop occupés à compter les sous déjà rapportés par leur nouveau quintette. Plus de 400 000 exemplaires de l’EP New Jeans ont été produits avant sa sortie, a fait savoir ADOR, un record pour un debut de groupe féminin. Le 1er août a aussi vu la mise en ligne du clip de Cookie, quatrième titre de l’EP, aux images sans aspérités mais aux paroles plutôt douteuses. A l’écoute, comme prévu, l’EP est léger et rafraîchissant, Hurt faisant même une jolie ballade R&B, si l’on ignore le reste. Mais est-ce encore possible ? Les amateurs de divertissement produit à l’échelle industrielle le savent : on ne devient pas fan sans faire quelques entorses à ses principes éthiques. Avec son nouveau groupe, ADOR vient tester les limites de notre tolérance. This is why we can’t have nice things.
Événement. Après une édition 2021 fermée aux artistes étrangers, le Fuji Rock Festival a retrouvé du 29 au 31 juillet son envergure internationale, accueillant notamment Japanese Breakfast, FOALS, Dinosaur Jr., Snail Mail ou encore Mogwai. Comme l’année dernière en revanche, les amateurs de musique du monde entier ont pu se plonger dans l’atmosphère bucolique de la station de ski de Naeba grâce à la retransmission partielle des concerts sur YouTube.
Priorité de mon programme, Night Tempo s’est d’abord fendu d’un mix future funk du plus bel effet, avant de proposer quelques morceaux live, dont certains tirés de son album Ladies in the City. Pour l’occasion, trois chanteuses sont venues l’accompagner sur scène : Aoi Yagawa d’abord, ex-Maison book girl qui pioche depuis dans les classiques de l’ère Showa, comme en témoignent ses reprises d’Akina Nakamori et Seiko Matsuda ; BONNIE PINK ensuite, qui a mis l’ambiance en interprétant Wonderland, sans doute le principal tube de l’album du Sud-Coréen ; Maki Nomiya enfin, ex-chanteuse de Pizzicato Five pour qui Night Tempo a récemment signé une reprise, dont la robe argentée m’éblouit encore. Pour efficaces qu’elles soient, les compositions originales du dénommé Jung Kyung-ho n’ont peut-être pas la même richesse que les classiques qu’il revisite, mais il y a quelque chose d’émouvant à le voir si fier d’inviter ses ladies, comme s’il était en train de réaliser un rêve. Quand Aoi Yagawa chantait, avec sa chemise blanche et son serre-tête, on se croyait transportés au coeur des années 1980, au premier concert d’une aspirante idol chantant sous les yeux de son gentil producteur. Nostalgie, quand tu nous tiens.
Le Fuji Rock Festival devait aussi marquer le retour de Cornelius, un an après son retrait de l’équipe artistique des JO de Tokyo. Il avait alors été rattrapé par de vieilles interviews où il se vantait d’avoir été une terreur à l’école pour ses camarades handicapés. Je me demandais comment il serait reçu, et la réponse a été : plutôt bien. Pour un peu, sans un mot du contexte, on aurait pu croire à un concert comme les autres. Applaudissements, concert, applaudissements, et une musique qu’il faut bien qualifier de superbe. Qu’on le trouve ou non sincère dans ses regrets, il est clair que le public qui l’a vu samedi était prêt à passer l’éponge. Sans doute aussi parce qu’il est douloureux de se sevrer du jour au lendemain de ce qu’on aime.
Aussi vus : Kyoto Jazz Sextet, accompagné du batteur Takeo Moriyama, qui en a encore dans les bras malgré ses 77 ans. Snail Mail, qui semblait plus en forme vocalement qu’à Paris il y a deux mois, où elle était malade. Kaho Nakamura, un grand bazar attrapé en cours de route qui m’a semblé plutôt enthousiasmant. Seul regret : avoir manqué Japanese Breakfast, ainsi qu’une programmation japonaise moins folle que l’an dernier, pas aidée par la résurgence du Covid-19 dans l’archipel, responsable du retrait de dernière minute de YOASOBI.
Événement. Tu le crois, ça ? Cinq jours après la mise en vente des places pour le concert de LOONA au Zénith Paris La Villette, prévu le 13 septembre, il en reste encore. N’est pas BLACKPINK qui veut ! En février 2019, les mégastars d’YG Entertainment avaient rempli la même salle en à peine cinq minutes, ce que les Orbits - les fans de LOONA - ont bien cru égaler le 27 juillet, avant qu’une quantité importante de places ne soit remise en vente. Entre nous, c’est tant mieux : les fans sont contents, les autres ont le temps de se demander s’ils souhaitent vraiment acheter une place à un tarif de Zénith, soit 54,30 € au minimum. Certains pourraient même être tentés d’économiser dans l’attente d’un possible retour de… BLACKPINK, dont la prochaine tournée mondiale doit s’élancer en octobre, après la sortie en septembre de leur nouvel album, Born Pink. Considérations financières mises à part, je me permets un conseil si vous hésitez encore à acheter votre sésame : ce n’est pas souvent que des girl groups de cette envergure nous font l’honneur d’une visite. Faites un choix que vous êtes sûrs de ne pas regretter.
+ Les Perfume répondent aux questions du site JustJared à l’occasion de la sortie mercredi de leur 8e album, Plasma. Peut-on rester humaines quand toute notre carrière évoque un futur numérique ? Lisez pour avoir la réponse.
+ Le trio K-pop féminin 3YE se produira le 30 octobre prochain à Paris, au Petit Bain, salle où je suis plus habitué à voir des bizarreries gothiques, ce que je trouve plutôt amusant.
+ Des experts de l’agence gouvernementale sud-coréenne chargée de la préservation du patrimoine culturel ont examiné un micocoulier vu dans le drama Extraordinary Attorney Woo, diffusé par Netflix, pour voir s’il méritait un statut protégé.
+ La plateforme de streaming Anime Digital Network (ADN) quitte le giron Crunchyroll et devient Animation Digital Network. Un changement subtil qui témoigne d’une volonté d’ouvrir plus grand ses portes à l’animation européenne.
+ Crunchyroll a discrètement annoncé avoir réglé un problème technique qui rendait le streaming d’animés pénible. S’il y avait du monde pour faire des annonces à Japan Expo, l’entreprise donnait l’impression d’être sourde aux plaintes des utilisateurs.
+ La nouvelle plateforme de lecture de mangas lancée par Square Enix, Manga Up!, est touchée par une censure excessive, rapportent ses premiers clients. Même les genoux et les entrejambes sont pudiquement recouverts.
+ La zone inconnue découverte dans le jeu Nier Automata était en fait un mod. La soi-disant découverte a tenu en haleine les fans du jeu jusqu’à ce que les moddeurs ne mettent fin au suspense.
+ L’esthétique de Stray manque-t-elle de sensibilité ? Développé en France, le jeu apporte une nouvelle pierre à l’édifice du débat sur l’orientalisme dans le cyberpunk, à travers son évocation appuyée de la citadelle de Kowloon.
+ La Sega Genesis Mini 2 sera plus compliquée à obtenir que le premier modèle. La miniconsole, qui propose cette fois des jeux Sega CD en plus des classiques Mega Drive, comptera beaucoup moins d’exemplaires et ne sera pas vendue en dehors des Etats-Unis.
+ Les services en ligne de plusieurs entreprises vidéoludiques, dont Steam et Epic Games, sont bloqués en Indonésie. L’accès sera rétabli si elles cèdent aux exigences du gouvernement relatives à une loi sur la modération de contenu.
PS. DEEZ NUTS.