💌 Vous lisez la première édition de Cyberia, une newsletter hebdomadaire consacrée à la pop culture japonaise et sud-coréenne. Chaque samedi, j’envoie dans votre boîte mail un focus sur un thème, les meilleurs liens de la semaine, ainsi qu’une sélection et un agenda culturels. Mes trois mots d’ordre : découvrir, réfléchir et s’amuser. Si ça vous branche, une seule chose à faire : vous abonner !
Pour commencer, laissez-moi vous inviter à un petit voyage dans le temps. Observons cette photo. Nous sommes en décembre 1998, et, quelque part en France, un enfant comme les autres s’informe sur l’un de ses loisirs favoris : les jeux vidéo. A l’époque, internet commence tout juste à entrer dans les foyers français et les magazines spécialisés se bousculent dans les kiosques. Ignorant tout du monde en ligne, notre jeune garçon n’a pour horizon que les pages des mensuels. Heureusement pour lui, il y a les copains. Eux aussi connaissent la Game Boy, la Playstation ou la Nintendo 64. Ensemble, ils se retrouvent manette en main devant la grosse télévision cathodique du salon familial. Le reste du temps, ce sont les cartes Dragon Ball Z qui nourrissent les discussions.
Par souci d’exhaustivité, je dois ajouter que nos camarades lâchent parfois la télé pour aller courir sur les terrains de foot. Pour autant, l’idée est la même. En décembre 1998, quelque part en France, un enfant comme les autres et ses copains se passionnent pour les jeux vidéo et les animés. En deux mots, pour la culture japonaise. Et dans la cour de récré, personne, ni fille ni garçon, n’y trouve à redire. Une enfance heureuse de bébé geek qui ne connaît pas encore les mots geek, gamer ou otaku, dans une France rurale où tout aurait pu mal tourner. Notre petit voyage dans le temps est maintenant terminé. Revenons au présent, d’accord ?
Juillet 2021. Dans les colonnes du Monde, Eulalie, 18 ans, se remémore ses difficultés à faire accepter sa “passion un peu à part” de collégienne pour les mangas et les animés. “J’adorais regarder les épisodes de Naruto, mais ça me valait de nombreuses remarques de mes camarades”, raconte la lycéenne qui, depuis, a rompu sa solitude. Au long de l’article de la journaliste Clémence Duneau, qui retrace le processus de légitimation progressive du manga à travers les années, les ados racontent en effet comment ils ont vu leurs semblables afficher plus ouvertement leur passion des récits japonais. Un constat positif enrichi d’expériences contrastées partagées par les internautes sur Twitter.
Il y a les chanceux, pour qui les mangas étaient vus comme “un truc de mecs cools”, ou qui voyaient les tomes de Dragon Ball Z s’échanger dans la cour. Et puis les malchanceux, dont l’entourage assimilait les mangas à un truc de “bébé” ou qui n’osaient pas parler jeux vidéo de peur d’être la “risée de la classe”. Les filles, elles, avaient en plus à négocier avec l’idée d’aimer des trucs “de garçons”. Est-ce que c’était facile pour tout le monde ? Non, assurément. Il n’empêche. De l’enfant de la photo aux ados du Monde en passant par les twittos les mieux lotis, les modèles positifs ont bien existé et existent encore. Et je vois de bonnes raisons de les mettre en lumière.
Pour le dire simplement, je souhaite que la génération actuelle ne s’imagine jamais être persécutée. Et que leurs aînés coupent enfin le fil qui nous relie au temps du Club Dorothée. Pas pour effacer cette histoire, mais pour se débarrasser des vieilles rancunes qui n’ont plus de sens aujourd’hui, pour peu qu’elles en aient même eu. Vous avez dit Ségolène Royal ? Oui, mangas, animés mais aussi jeux vidéo ont été vilipendés par le passé, et leurs amateurs ont pu en faire les frais. Mais aujourd’hui, plus aucune voix sérieuse n’ose les qualifier de crétineries. Bien sûr, des ados agissent parfois comme s’ils avaient contre eux une masse qui n’y “comprend rien” (les parents, les filles, les journalistes). Pêché de jeunesse ? Sans doute. Orgueil masculin, aussi. Ce serait banal si le web d’aujourd’hui ne grouillait pas d’idéologues prétendant les comprendre pour mieux leur refiler leurs opinions nauséabondes. Pour les contrer, il n’y a pas de formule magique, mais la réalité fait un bon ingrédient.
En 2021, des cours d’école aux Fnac, des salons aux musées et des médias à l’économie, nos passions ont gagné. Au lieu de donner l’heure aux critiques bas du front ou aux aigris professionnels, prenons un moment pour apprécier le chemin parcouru et dire combien c’est cool d’être fan. Nos communautés sont loin d’être parfaites, mais elles ont d’autres problèmes que d’être opprimées. Aujourd'hui, on peut être un gamer ou un otaku heureux. C’est l’enfant de la photo qui vous le dit.
■ LA SEMAINE
Commencer par les mauvaises nouvelles aide toujours à apprécier les bonnes, alors let’s go. Le webzine OTAQUEST se met en pause le 31 juillet, et pas seulement pour l’été. Il y a trop peu de réalisatrices à succès au Japon à cause du harcèlement. Super Mario 64 bat des records aux enchères et ça n’enchante pas tout le monde. Et les festivals de musique japonais en ont marre d’être annulés en plein été olympique.
Heureusement, les rappeurs sud-coréens sont là pour nous remonter le moral. AQUINAS annonce sur Instagram être bisexuel. Et Woodie Gochild sort une chanson intitulée… POGBA ? Corée toujours, mais à LA : Rosé de BLACKPINK dîne avec la chanteuse américaine et ambassadrice vaccination Olivia Rodrigo. A propos, Lisa se lance en solo cet été après avoir tourné un clip cette semaine. See you in court : SM Entertainment promet la guerre (judiciaire) aux sasaengs.
Belle de Mamoru Hosoda aurait mérité la Palme d’or s’il avait été en compétition à Cannes, lâche L’Obs. Ça tombe bien, le festival lyonnais Hallucinations Collectives en fait son ouverture fin août. Alerte Switch Pro : Valve annonce le Steam Deck et ça a l’air… vraiment pas mal ? Les DRM de Resident Evil Village dégradent ses performances sur PC, mais une mise à jour approche. Junko Yagami pense savoir pourquoi tout le monde écoute de la city pop. Enfin, le tome 15 de Yotsuba&! arrive le 19 août en librairies.
Au fait, c’est peut-être les vacances pour certains d’entre vous, et qui dit vacances dit temps. Vous avez une heure ? Une vidéo sur le lancement européen de la Playstation. Vous avez QUATRE heures ? Un podcast sur la traduction de mangas et d’animés. Et pour chasser l’ennui, rien de tel que le nouveau Tamagotchi Pix.
■ LE MORCEAU
Vous vous souvenez des années 1990 ? Sailor Moon, Kate Moss, les Spice Girls, tout ça… Pour les plus torturés, il y avait aussi le metal industriel. Deux décennies plus tard, ce son âpre et synthétique se rappelle à notre bon souvenir avec le nouveau morceau des PIGGS, groupe formé l’an dernier par la Japonaise Pour Lui, ex-membre fondatrice de BiS et icône antirégimes. Le titre fleure bon le Nine Inch Nails de l’époque The Downward Spiral et son champ lexical porcin, jusqu’à m’évoquer précisément un morceau. Deuxième single du groupe à ce jour, VISITOR sort le 21 juillet.
■ LE FILM
11 ans après la disparition de Satoshi Kon, un documentaire revient sur l’oeuvre et la personnalité du mangaka et réalisateur japonais de films d’animation. Satoshi Kon, l’illusioniste de Pascal-Alex Vincent, montré sur la Croisette dans la sélection Cannes Classics, arrivera en streaming sur la plateforme OCS le 6 août, après une diffusion télé le 4 août au soir sur OCS City. Deux séances en salles en présence du réalisateur sont également prévues le 18 juillet au Zola à Villeurbanne et le lendemain au MK2 Bibliothèque à Paris. En attendant, OCS propose de regarder Paprika et Tokyo Godfathers en streaming.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
📽️ Cinq films du réalisateur japonais Koji Fukada sont à voir en salles cet été, dont deux inédits : c’est L’été Fukada. Après Hospitalité, sorti fin mai, Le Soupir des vagues arrive en salles le 4 août. A noter : Suis-moi, je te fuis et Fuis-moi, je te suis sont repoussés à 2022.
Dans les salles de cinéma
🎨 Encore trois semaines pour aller voir l’exposition Voyage sur la route du Kisokaido : de Hiroshige à Kuniyoshi au musée Cernuschi. Sont rassemblées près de 150 estampes japonaises qui sont autant de vues de la route dite du Kisokaido, qui reliait Tokyo (encore appelée Edo) et Kyoto à l’époque Tokugawa. La prolongation court jusqu’au dimanche 8 août.
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
📷 En complément, 22 photos de Daido Moriyama prises à Paris et Tokyo sont exposées en plein air au parc des Rives de Seine. L’accrochage dure jusqu’au 22 août.
Quai des Célestins, 75004 Paris
🎨 Le Centre culturel coréen à Paris propose une exposition gratuite qui devrait ravir les amoureux des livres. Intitulée Minhwa “Chaekgeori... de la beauté des livres”, elle rassemble les oeuvres d’artistes contemporains inspirés des natures mortes de style chaekgeori, centrées sur les livres et l’écriture. A voir jusqu’au 10 septembre.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
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C’était Cyberia N°#001. A samedi !
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