Elle n’avait pas donné signe de vie depuis plus de deux mois. Le temps, avait-elle tweeté, de “restaurer son équilibre physique et mental”. Jusque-là, Nagi Nemoto, 22 ans, était une idol du genre très occupée. Membre fondatrice de Niji no Conquistador, lancé en 2014, la chanteuse se produisait également avec les Dempagumi.inc depuis fin 2017, et était la moitié du sous-groupe Nemopero from Dempagumi.inc. Elle posait aussi pour des magazines en tant que gravure idol. Autant d’activités qui ont soudain été interrompues fin octobre dernier. D’abord pour un temps… puis pour de bon.
Dans une lettre publiée mardi sur Twitter, Nagi Nemoto a annoncé son départ prochain de Niji no Conquistador et Dempagumi.inc. Sa condition physique ne devrait malheureusement pas lui permettre de faire ses adieux scéniques. Elle compte cependant rester au sein de l’agence DEARSTAGE, maison des deux groupes, en tant qu’illustratrice et créatrice de costumes. Si sa décision la prive pour l’heure de son amour du chant, elle n’exclut pas d’y revenir un jour ou l’autre, et demande à ses fans d’être patients. Le moment venu, elle se produira sous un nouveau nom de scène.
Le retrait de Nagi Nemoto n’est pas tout à fait surprenant pour qui s’intéresse un peu à ses soucis. En novembre 2020, elle parlait déjà de santé mentale sur Twitter, révélant souffrir d’anxiété et de crises de panique. Malgré ça, elle poursuivait ses activités, soutenue par les médicaments. “Je me disais qu’en tant qu’idol je ne pouvais pas parler de maladie et de médicaments”, confiait-elle sur le réseau social. Pourtant, du haut de sa petite vingtaine, elle a osé le faire, espérant aussi que son travail donne du courage aux personnes souffrant des mêmes difficultés.
Un état d’esprit qui l’a aidée à tenir encore quelques mois. Dans sa lettre, Nagi Nemoto explique s’être “nourrie de la force” de ses collègues idols et du staff de son agence. Jusqu’au moment où ça n’a plus suffi. En annonçant fin octobre ce qu’elle présentait encore comme une pause, elle rejoignait ainsi toutes ces idols qui s’éloignent temporairement des projecteurs pour se protéger. En juin 2019, Sally Amaki de 22/7 n’avait eu d’autre choix que d’abandonner pour un temps les rencontres avec les fans pour cause de phobie sociale. Elle aussi avait pris la plume pour évoquer à la première personne ses problèmes de santé mentale.
Faut-il y voir le signe d’un tabou qui s’effrite ? Je me garderai bien de le dire, mais à leur rythme, les choses avancent. Début janvier, le Mainichi Shimbun rapportait ainsi que la branche japonaise de Sony Music avait décidé de s’occuper de la santé mentale de ses artistes. Depuis l’été dernier, ils peuvent ainsi bénéficier d’une aide psychologique prise en charge par l’entreprise, qui offre aussi de surveiller leur santé physique. Une initiative inspirée par la pandémie de Covid-19, qui a bouleversé le quotidien des musiciens.
Nagi Nemoto n’est cependant pas n’importe quel type d’artiste. S’il n’y a pas d’âge pour souffrir de l’esprit, la jeunesse des idols les expose d’autant plus à de telles difficultés. Elle-même jouait dans deux groupes, avec le travail que cela implique, son activité de gravure idol lui imposant par ailleurs de vivre avec sa sexualisation. Bien sûr, je dis merci aux agences qui laissent leurs talents se reposer quand il y a besoin, au risque de froisser les fans les moins raisonnables. J’espère aussi qu’elles ne délaissent pas la prévention, car la santé mentale se protège au quotidien, pas seulement quand il est trop tard.
■ LA SEMAINE
Cinéma. Le réalisateur Jean-Jacques Beineix est mort jeudi à l’âge de 75 ans. S’il est surtout connu pour le film 37°2 le matin, il a aussi réalisé le documentaire Otaku : fils de l’empire du virtuel. Remonté pour être diffusé en 1994 à la télévision, celui-ci dure en réalité 2h50, qui valent le coup pour qui veut se gorger d’images d’archives délicieusement 90’s. Au menu, rencontre avec des otakus, visite chez Gainax, interviews d’artistes… Des fans d’idols aux collectionneurs de figurines, différentes facettes de l’univers otaku sont présentées. Les premières minutes proposent également des images (probablement assez rares) d’une performance de Tokyo Gagaga, collectif poético-artistique auquel appartenait alors le réalisateur Sion Sono. Le lien avec le thème n’est pas évident, mais peu importe, la séquence est précieuse et ne manque pas de piquant. Un peu comme la version raccourcie du documentaire, trop portée sur le sexe au goût des fans de l’époque… Que cela ne vous empêche pas de le regarder en entier, voire de lire le livre d’Étienne Barral qui lui sert de base, Otaku, les enfants du virtuel, sorti chez Denoël.
+++ Drive My Car décroche le Golden Globe du meilleur film non-anglophone. Le réalisateur Ryusuke Hamaguchi est-il en route vers l’Oscar ? Une salle d’art et d’essai dédiée aux films étrangers ferme à Tokyo. Le cinéma Iwanami Hall projetait des films depuis 1974. Final Fantasy XIV sera bientôt remis en vente. La pause forcée devrait prendre fin le 25 janvier. Sega ouvre un nouveau studio de développement à Sapporo. Le producteur de Phantasy Star Online 2 sera à sa tête. Un livre va aider les fans japonais et anglophones à se comprendre. Apprenez à dire “My fave is the best !” dans les deux langues.
■ LA SÉLECTION
Musique. Je vous avais parlé il y a quelques semaines de l’animé The Heike Story (voir Cyberia du 9 octobre 2021). L’opening signé Hitsujibungaku est sorti en single mercredi, accompagné d’un clip. Hikaru Toki faisait déjà merveille sur les belles images de Naoko Yamada, alors, quand on m’en donne pour près de six minutes, je dis oui. Comme à son habitude, le trio féminin signe une petite pépite de rock mélodique gorgé d’émotion, qu’on écoute et réécoute sans se priver. A noter que le single accompagne le début de la diffusion de l’animé sur la chaîne japonaise Fuji TV, prévue dès le départ pour n’intervenir qu’après sa sortie sur les plateformes de streaming.
📻 Retrouvez la playlist Cyberia Mix sur Spotify
En streaming. Les abonnés le savent bien, Prime Video a la fâcheuse tendance de proposer des films sans sous-titres. Pour regarder avec ses enfants, cependant, c’est un peu moins gênant. La plateforme de streaming a ajouté le 8 janvier à son catalogue le joli Lettre à Momo d’Hiroyuki Okiura (Jin-Roh, la brigade des loups). L’histoire d’une adolescente de 11 ans en froid avec sa mère depuis leur déménagement de Tokyo vers la campagne, à la suite de la mort de son père. Elle garde avec elle sa dernière lettre inachevée qui ne cesse de l’intriguer. Un jour, elle va rencontrer trois yokai, des monstres du folklore japonais, qui vont l’aider à aller de l’avant. Un film drôle et touchant pour les petits et les grands… qui devront aller voir ailleurs pour écouter le doublage d’origine.
■ L’AGENDA
🎥 Le cycle animation japonaise entamé à la rentrée 2021 aux cinémas mk2 Parnasse et Bibliothèque est toujours en cours. Pour s’y retrouver : les séances sont le samedi au premier, le dimanche au second (a priori). Trois films d’Eiichi Yamamoto sont projetés dans les deux salles : Les Mille et Une Nuits, Belladonna et Cleopatra. Rendez-vous le 15 janvier au mk2 Parnasse pour Les Mille et Une Nuits, puis le 16 janvier au mk2 Bibliothèque pour Belladonna. Suivez le lien pour le reste de la programmation.
128/162 avenue de France, 75013 Paris (mk2 Bibliothèque)
11 rue Jules Chaplain, 75006 Paris (mk2 Parnasse)
✂️ Le Centre culturel coréen propose une exposition présentant le travail d’artistes rassemblés au sein de l’association SONAMOU. Rétrospective 30e anniversaire fait comme son nom l’indique le bilan de trois décennies de création de la part des artistes rassemblés au sein de ce groupe fondé en région parisienne, dans différentes disciplines artistiques. Fin le 10 février.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
✂️ La Maison de la culture du Japon à Paris propose jusqu’au 19 février une exposition sur l’architecture contemporaine. Quand la forme parle – Nouveaux courants architecturaux au Japon (1995-2020) donne à voir le travail de 35 agences d’architecture.
101 bis Quai Branly, 75015 Paris
🎥 L’association Hanabi renouvelle l’opération Les Saisons Hanabi cet hiver avec sept films proposés en salles jusqu’au 22 mars. Le concept est simple : les cinémas participants diffusent un film par jour pendant une semaine. A Paris, le Max Linder, le mk2 Bibliothèque et le Gaumont Parnasse s’y mettent à partir du 12 janvier. Découvrez les films diffusés et la liste complète des salles en suivant le lien.
128/162 avenue de France, 75013 Paris (mk2 Bibliothèque)
24 boulevard Poissonnière, 75009 Paris (Max Linder)
3 rue d'Odessa, 75014 Paris (Gaumont Parnasse)
🎥 La Maison de la culture du Japon à Paris vous propose de passer Un an avec Tora san, personnage célèbre du cinéma japonais. La cinquantaine de films de la série C’est dur d’être un homme, narrant les aventures de ce “vagabond excentrique, fort en gueule et malheureux en amour”, réalisés pour la plupart par Yoji Yamada, sont projetés de janvier à décembre à partir du 15 janvier.
101 bis Quai Branly, 75015 Paris
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C’était Cyberia N°#027. A samedi !
@presenceinwired