Huit ans, trois mois et trois semaines. Voilà le temps qui aura séparé la sortie du troisième et du dernier film de la saga Rebuild of Evangelion. Quelle attente ! Dire qu’en novembre 2009, il y a plus de dix ans, je voyais en salle la deuxième partie du nouveau Neon Genesis Evangelion. Si un homme du futur m’avait dit qu’il faudrait attendre la conclusion dix ans et qu’une pandémie allait mettre le monde à l’arrêt, je ne sais pas quelle idée m’aurait paru la plus saugrenue. Et pourtant, nous voilà bien en 2021 face à Evangelion : 3.0+1.0 Thrice Upon a Time, ajouté vendredi en streaming sur Prime Video, cinq mois après sa sortie dans les salles japonaises. Comme beaucoup, je l’ai vu le jour même, et comme certains, je l’ai aimé, mais il ne sera question ici que des tourments qui habitent le créateur de cet univers : Hideaki Anno.
Révélé en septembre 2006 dans les colonnes du magazine japonais Newtype, le projet Rebuild of Evangelion promettait beaucoup. La technologie devait libérer Hideaki Anno des contraintes rencontrées lors de la production de l’animé en 1995, de quoi offrir un habit neuf à des séquences cultes, expliquait le producteur Toshimichi Otsuki. Epurée des éléments de lore les plus abscons, la “nouvelle version cinéma” devait s’achever d’une manière divertissante, ni métafictionnelle comme en 1995, ni dramatique comme dans The End of Evangelion. Un “Evangelion avec un happy end”, osait même le producteur, rendu possible par l’état mental apaisé du père de la franchise, enfin libéré de ses pulsions macabres. Hélas pour lui, revenir à Tokyo-3 n’a pas été sans conséquences…
Le 1er avril 2015, près de deux ans et demi après la sortie d’Evangelion : 3.0 You Can (Not) Redo, les fans impatients ont enfin eu des nouvelles d’Hideaki Anno. Le choix de la date pouvait laisser croire à une mauvaise blague. Les médias japonais annonçaient sa nomination au poste de réalisateur du nouveau film Godzilla de la célèbre maison de production Toho. Et Evangelion, alors ? Dans un message publié le même jour sur le site officiel de la franchise, le très instable artiste confiait être tombé en dépression après la sortie du troisième film, d’ailleurs livré en retard. “Voilà ce que je récolte pour avoir passé les six dernières années de ma vie à réduire mon âme en lambeaux pour recréer Evangelion”, écrivait-il, encore marqué par la résurgence de ses vieux démons.
Hideaki Anno expliquait dans son texte n’être presque pas venu au studio Khara en 2013, freiné par son état mental et un sentiment d’épuisement général. “Après avoir terminé [le troisième film], je pensais ne jamais pouvoir créer à nouveau quelque chose”, affirmera-t-il plus tard. Outre le soutien de ses proches, s’éloigner un moment d’Evangelion l’a aidé à remonter la pente. Doublage chez Hayao Miyazaki, travail sur Shin Godzilla… Autant de choses qui, si elles n’ont rien à voir avec la saga Rebuild of Evangelion, lui ont permis d’y revenir. “2014 a commencé. Je suis finalement retourné au studio”, écrivait le réalisateur, demandant aux fans de lui accorder “encore un peu de temps pour finir le film”.
La suite des événements est chroniquée dans un documentaire diffusé en mars dernier par la chaîne publique japonaise NHK G. En septembre 2017, un peu plus d’un an après la sortie japonaise de Shin Godzilla, le dernier Rebuild of Evangelion n’est toujours pas terminé. Arrive alors chez Khara une équipe de télévision venue documenter la fin de la production du film. Là où elle pensait trouver Hideaki Anno, il n’y a au départ qu’une chaise vide, le grand manitou n’étant pas tous les jours à son bureau… Soucieux de faire surgir des idées nouvelles, il préfère d’ailleurs compter sur ses équipes, jusqu’à ce qu’il décide de tout refaire par excès de perfectionnisme. Pour rendre un film à l’heure, il y a mieux.
La dernière ligne droite a d’ailleurs été riche en sueurs froides pour les équipes du studio Khara. Par deux fois, Hideaki Anno a repris des bouts entiers du scénario, allant jusqu’à rendre sa dernière copie à la fin mars 2019. La vie ne manquant pas d’humour, c’est pourtant le Covid-19 qui fera rater au film son premier rendez-vous avec les spectateurs, fixé au 27 juin 2020. Un délai mis à profit pour boucler la production quelques mois plus tard, en décembre. Repoussé une seconde fois à cause du virus, Evangelion : 3.0+1.0 Thrice Upon a Time est finalement sorti au Japon le 8 mars dernier. Et son créateur, heureux d’avoir mis un point final à la reconstruction de l’oeuvre de sa vie, a désormais tout le loisir de s’atteler à ses futurs projets. Adieu à tout Evangelion. Oyasumi, arigato, sayonara.
■ LA SEMAINE
Peut-on vraiment organiser une convention à l’heure du Covid-19 ? La tenue le week-end dernier à Washington de l’Otakon offre quelques réponses. L’événement américain, qui n’exigeait pas de preuve de vaccination, a rassemblé 25 534 personnes en trois jours, selon les organisateurs. Aucun invité étranger n’était présent. L’article d’Anime News Network résume les deux principaux griefs exprimés sur les réseaux sociaux : le manque de distanciation sociale dans les salles de conférence et la réticence des bénévoles à faire la police des masques. Espérons qu’en France, des notes seront prises. Au fait, si on continuait à tout streamer même après la pandémie ? Il serait dommage d’abandonner le savoir-faire acquis depuis un an et demi, explique le magazine Otaku USA.
La programmation de L’Etrange Festival a été révélée mardi, et comme chaque année, les amateurs de cinéma japonais en auront pour leur argent. Première production anglophone de Sion Sono (Love Exposure), Prisoners of the Ghostland avec Nicolas Cage (si, si) sera projeté pour la première fois en France. Plusieurs films d’Atsushi Yamatoya et Yuzo Kawashima sont également au programme. Rendez-vous au Forum des Images du 8 au 19 septembre.
Seiko Oomori a été enregistrée en train d’agresser un membre de son groupe ZOC. L’ex-BIGBANG Seungri est condamné à trois ans de prison dans l’affaire dite du Burning Sun. CJ ENM s’allie à la productrice d’Interstellar pour sortir un film sur la K-pop. L’animé The Tatami Galaxy aura droit à une suite réalisée par Shingo Natsume. Les ados d’aujourd’hui ne veulent qu’une chose, et c’est un abonnement Crunchyroll pour regarder PreCure. Takehiko Inoue écrit et réalise un film Slam Dunk prévu pour la rentrée 2022. Chiaki J. Konaka répond à la polémique sur son texte mêlant Digimon et cancel culture.
■ LE MORCEAU
A l’hiver 2017, j’ai découvert la city pop. Tout a commencé quand j’ai croisé le regard d’une jeune japonaise dans mes recommandations YouTube. Sur la photo en noir et blanc, son sourire semblait évoquer des souvenirs heureux d’une décennie passée. A force de la voir là, jour après jour, guidé aussi par le nombre de vues de la vidéo, j’ai cliqué. Ainsi est arrivée ma première écoute de Plastic Love, le morceau de Mariya Takeuchi devenu l’emblème du revival de cette pop eighties d’inspiration occidentale. Depuis, bien d’autres artistes de l’époque ont été redécouverts (Anri, Taeko Onuki, Miki Matsubara…), notamment grâce aux remixes pleins d’énergie produits par Night Tempo. De son vrai nom Jung Kyung-ho, le Sud-Coréen faisait déjà de Plastic Love un hit dancefloor-compatible en 2016, et signe aujourd’hui des remixes adoubés par les labels des interprètes originaux. Sorti mercredi chez Victor Entertainment, le nouvel opus de la série Night Tempo presents The Showa Groove s’attaque à Dress Down de Kaoru Akimoto, autre tube du genre sorti en 1986. Je vais vous surprendre, mais pour une fois, je ne suis pas tout à fait convaincu, le beat étant trop agressif à mon goût. Je préférais sa première tentative. En revanche, j’adhère beaucoup plus au second morceau, qui ajoute juste ce qu’il faut de vitesse à l’original sans le dénaturer.
■ LE LIVRE
Parisiens, parisiennes, la librairie Junku a plusieurs artbooks de Yusuke Nakamura en stock. Character designer original des personnages de l’animé The Tatami Galaxy et du film d’animation Night Is Short, Walk On Girl, tout deux réalisés par Masaaki Yuasa, l’illustrateur signe aussi les pochettes d’Asian Kung-Fu Generation depuis leurs débuts. Sorti le 21 mai dernier au Japon, l’artbook Play compile son travail avec le groupe mais aussi avec d’autres musiciens comme Gentouki. Le format (presque) carré permet d’apprécier à leur juste valeur les quelques 120 pages d’illustrations, complétées par un échange (en japonais) entre le dessinateur et Masafumi Gotoh d’Asian Kung-Fu Generation. Vendu pour 2500 ¥ en ligne (soit 19,35 €), il coûte malheureusement plus cher une fois la conversion Junku passée par là.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
📷 En complément, 22 photos de Daido Moriyama prises à Paris et Tokyo sont exposées en plein air au parc des Rives de Seine. L’accrochage dure jusqu’au 22 août.
Quai des Célestins, 75004 Paris
🎥 Le festival de cinéma lyonnais Hallucinations Collectives s’ouvrira le 31 août avec le très attendu Belle de Mamoru Hosoda. Shin Godzilla de Shinji Higuchi et Hideaki Anno clôturera les festivités le 6 septembre. D’autres pellicules japonaises sont au programme, dont Cold Fish de Sion Sono et Mind Game de Masaaki Yuasa. Les réservations sont déjà ouvertes.
13 avenue Berthelot, 69007 Lyon
🎨 Le Centre culturel coréen à Paris propose une exposition gratuite qui devrait ravir les amoureux des livres. Intitulée Minhwa “Chaekgeori... de la beauté des livres”, elle rassemble les oeuvres d’artistes contemporains inspirés des natures mortes de style chaekgeori, centrées sur les livres et l’écriture. A voir jusqu’au 10 septembre.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
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C’était Cyberia N°#005. A samedi !
@presenceinwired