Il y a des jours où nos passions nous laissent comme un goût amer dans la bouche. Des jours où l’on en a marre de voir nos oeuvres favorites naître dans la douleur. Des jours où l’on se demande, avec un mélange de colère et d’impuissance : que faire ? A chaque fois, si les noms et les lieux changent, les maux restent les mêmes : harcèlement sexuel, discrimination salariale, surcharge de travail… La vérité éclate, les directions promettent, et l’attention se détourne peu à peu, jusqu’au prochain scandale. Les fans, eux, restent avec leur malaise, sans savoir quel geste est le mieux à même de soutenir la cause du moment.
La dernière entreprise à faire parler d’elle en mal n’est autre qu’Activision Blizzard. Une agence de l’Etat américain de Californie, chargée de la protection des droits des travailleurs, a initié des poursuites le 20 juillet contre la maison d’Overwatch et de Call of Duty et sa culture d’entreprise digne, comme le décrit la plainte, du pire d’un BDE. A en croire les accusations, les quelques 20% d’employées seraient soumises au harcèlement sexuel et à la discrimination salariale, pendant que les RH préfèrent regarder ailleurs. Des révélations d’abord complétées par un article de Kotaku sur les frasques d’un ex-responsable de Blizzard et sa chambre d’hôtel baptisée la “Cosby Suite”, du nom de l’acteur accusé d’agression sexuelle. Vice News et IGN ont depuis emboîté le pas du site.
Mercredi, des salariés de Blizzard ont quitté leur poste le temps d’un rassemblement devant leurs locaux californiens. Ils avaient en poche quatre demandes adressées à leur direction ainsi qu’un hashtag, #ActiBlizzWalkout, pour leur donner du poids. Plutôt qu’un boycott, ils ont demandé à ceux qui le pouvaient de faire un don à une sélection d’associations caritatives, dont Black Girls Code. Côté joueurs, des streameurs ont modifié leur planning pour ne pas jouer à des jeux Activision Blizzard le jour de la manifestation, respectant ainsi une sorte de piquet de grève virtuel. D’autres, plus définitifs, ont promis de ne plus jamais toucher à leurs licences.
Lâcher Overwatch n’est pourtant pas forcément la meilleure solution. Bien sûr, je comprends à 100%. Comme l’a si bien résumé la semaine dernière la journaliste d’IGN Rebekah Valentine, “tous les jeux vidéo au monde ne valent pas une telle merde”. Moi-même, je n’ai pas super envie de lancer mes jeux Activision en ce moment. Et à une époque où tout se mesure, quand il y a moins de streams, moins de connections et moins de microtransactions, cela se voit. Simplement, je ne pense pas que se priver de jeux vidéo change vraiment quelque chose… surtout s’ils font déjà partie de votre ludothèque. “Désinstaller un jeu Call of Duty que vous avez déjà acheté peut faire du bien sur le moment, mais c’est un acte purement symbolique”, écrit sur Mashable le journaliste Adam Rosenberg. Même les plus motivés des boycotteurs ont de quoi être refroidis par le poids d’une entreprise comme Activision Blizzard. Sans parler du fait qu’un jeu vidéo est une oeuvre collective, ce qui oblige à se demander qui pâtirait le plus d’un boycott généralisé.
Pour autant, nous les fans ne sommes pas condamnés à l’inutilité. Les réseaux sociaux nous offrent la possibilité de faire entendre notre opinion, pour soutenir les victimes comme pour critiquer l’entreprise. Joueurs, développeurs, journalistes et même responsables, tout le monde aujourd’hui a son compte et voit quand le mécontentement s’exprime (pour les bonnes comme les mauvaises raisons). Alors exprimons-nous, dans les limites de la bienséance. Faire comprendre ce qu’on ne tolère plus occupe plus de terrain que d’arrêter de jouer, je crois ? A cette fin, les jeux sont d’ailleurs une plateforme comme une autre. Comme l’ont suggéré les salariés d’Activision Blizzard, vous pouvez également soutenir financièrement les associations et syndicats qui oeuvrent pour la bonne cause.
Le début de ce texte était pessimiste. Oui, en tant que fans, et, disons-le, de consommateurs, voir défiler les scandales les uns après les autres a de quoi désespérer. D’autant qu’après Riot Games, Rockstar Games, Naughty Dog, Ubisoft, et Activision Blizzard, allez savoir ce que l’avenir nous réserve. Pour arrêter de se faire du mal, je pense qu’il faut accepter une certaine forme d’impuissance. Mieux vaut bien faire ce qui est à notre portée que de se bercer d’illusion sur notre pouvoir, ou de ne rien faire par dépit. Et si vous vous interrogez encore à la fin de ce texte, écoutez les travailleurs. Ce sont eux qui savent le mieux quelles actions peuvent être utiles selon l’évolution de leur mobilisation. S’ils appellent officiellement au boycott, vous en entendrez parler.
■ LA SEMAINE
L’hebdomadaire japonais Shukan Bunshun confirme ce que tout le monde supposait : Perfume devait bien participer à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Tokyo. Le trio devait apparaître peu après l'‘arrivée de la fameuse moto rouge de Shotaro Kaneda. Une nouvelle raison de regretter l’abandon du projet de MIKIKO, dont je vous parlais dans l’édition de la semaine dernière. Dans son article paru mercredi, le journal révèle également que Nintendo a retiré ses titres du medley vidéoludique entendu lors du défilé des athlètes le 23 juillet.
Avertissement de contenu : mention de suicide. Et si on laissait Kwon Mina tranquille ? Depuis son départ d’AOA, la chanteuse vit une période de grande fragilité et a manifestement besoin d’aide. Jeudi, elle a à nouveau été transportée à l’hôpital après une tentative de suicide. Les médias K-pop anglophones continuent pourtant d’empiler les news à son sujet comme si de rien n’était. “Mina s’excuse sur Instagram”, “Mina se sépare de son petit ami”, “Les excuses de Mina tournent mal”… Je ne porte pas de jugement de valeur sur la rubrique gossip, mais peut-on au moins épargner une personne en souffrance, fût-elle une célébrité ? Son bien-être devrait être notre seule préoccupation. Au lieu de ça, chacun de ses faits et gestes deviennent matière à contenu et à commentaire. Je suis sûr qu’on peut faire mieux.
Les jeunes français ont claqué leur pass Culture en mangas, et même le New York Times en parle. J’espère qu’ils ont acheté du Junji Ito, qui vient de remporter deux Eisner Awards aux Etats-Unis. Sony aurait apparemment vendu plus de 10 millions de PS5 ? Personnellement, j’en ai zéro. Aya et la sorcière de Goro Miyazaki est repoussé à une date inconnue par Wild Bunch. Perfume va sortir un EP le 22 septembre composé à 50% de Polygon Wave. Avez-vous déjà vu… 99 filles chanter une chanson ? Un groupe qui mélange la pop et le pansori ? Une reformation après plus de trois ans de hiatus ?
■ LE MORCEAU
Le plus d4rk des groupes de K-pop est de retour. Dreamcatcher a sorti vendredi son nouvel EP Summer Holiday, et avec lui le clip vénéneux du morceau BEcause. Un comeback de qualité qui nous offre une section rap sur fond de… drum’n’bass ? Osé mais validé. Quant au clip, il est beau de chez beau et délicieusement troublant. Un parc d’attraction abandonné ? Un doppelgänger creepy dans le miroir ? Je dis oui. J’espère juste ne pas en faire des cauchemars…
■ LE JEU
Que diriez-vous de lancer un groupe d’idols ? Sorti le 23 juillet après une campagne Kickstarter, Idol Manager vous propose de faire exactement cela. Sous la houlette d’un financier louche mais influent, vous avez la charge de monter un groupe de filles et de gérer leur carrière comme leurs états d’âmes. Le jeu est disponible sur Steam et itch.io, et une version Switch est en développement. Une traduction française est attendue pour un prochain patch. A noter que les idols masquées de Kamen Joshi offrent leur voix aux personnages et ont enregistré deux chansons thème.
■ LE FILM
En 1964, le volley-ball est devenu discipline olympique. Et quoi de mieux pour fêter ça qu’une victoire du Japon, pays hôte de la XVIIIe olympiade de l’ère moderne ? Sorti cette semaine, Les Sorcières de l’Orient raconte l’histoire de l’équipe féminine japonaise, ouvrières textiles devenues tombeuse de l’Union Soviétique en finale des premiers JO de Tokyo (ET championnes du monde, excusez du peu). Pour illustrer l’influence de l’épopée des “sorcières” sur les Japonais, le réalisateur Julien Faraut met en regard les images d’archives et les extraits des Attaquantes, adaptation animée du manga Attack No.1 de Chikako Urano.
■ L’OBJET
Ce n’est pas tous les jours qu’une figurine fête trois anniversaires, mesure 53 centimètres, coûte 400 euros et nécessite deux ans de fabrication. Good Smile Company frappe fort en proposant au côté de CLAMP la joliment nommée Sakura Kinomoto : Always Together ~Pinky Promise~, où la toujours adorable héroïne de Card Captor Sakura tient un riche bouquet de fleurs et porte une robe rose à volants. Rendez-vous avant le 30 septembre prochain chez le fabricant ou chez Tokyo Otaku Mode pour précommander l’objet. Envoi en août 2023.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
📽️ Cinq films du réalisateur Koji Fukada sont à voir en salles cet été, dont trois reprises et deux inédits : c’est L’été Fukada. Après Hospitalité, sorti fin mai, Le Soupir des vagues arrive en salles le 4 août. A noter : Suis-moi, je te fuis et Fuis-moi, je te suis sont repoussés à 2022.
Dans les salles de cinéma
📺 La plateforme de streaming d’animés Crunchyroll organise à nouveau sa Virtual Crunchyroll Expo du 5 au 7 août. Au menu, projections, rencontres et conférences en ligne autour de l’animation japonaise dont certaines offriront des sous-titres français. La participation est gratuite mais nécessite une inscription.
Entièrement en ligne
🎨 Plus qu’une semaine pour aller voir l’exposition Voyage sur la route du Kisokaido : de Hiroshige à Kuniyoshi au musée Cernuschi. Sont rassemblées près de 150 estampes japonaises qui sont autant de vues de la route dite du Kisokaido, qui reliait Tokyo (encore appelée Edo) et Kyoto à l’époque Tokugawa. La prolongation court jusqu’au dimanche 8 août.
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
📷 En complément, 22 photos de Daido Moriyama prises à Paris et Tokyo sont exposées en plein air au parc des Rives de Seine. L’accrochage dure jusqu’au 22 août.
Quai des Célestins, 75004 Paris
🎨 Le Centre culturel coréen à Paris propose une exposition gratuite qui devrait ravir les amoureux des livres. Intitulée Minhwa “Chaekgeori... de la beauté des livres”, elle rassemble les oeuvres d’artistes contemporains inspirés des natures mortes de style chaekgeori, centrées sur les livres et l’écriture. A voir jusqu’au 10 septembre.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
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C’était Cyberia N°#003. A samedi !
@presenceinwired
Photo : dronepicr/Blizzard Gamescom 2017/CC BY 2.0