Elle a atterri sur la planète pop avec ses jouets en pagaille, son costume excentrique et un chapelet de globes oculaires. Si pour beaucoup, 2011 a été l’année de Friday de Rebecca Black, pour d’autres, c’était (aussi) celle de PonPonPon de Kyary Pamyu Pamyu. Qui aurait pourtant prédit un tel succès à cette chanteuse débutante, plus familière des pages des magazines à la mode d’Harajuku ? Deux au moins y ont cru, et pas des moindres : Sebastian Masuda, figure de la culture kawaii, et Yasutaka Nakata, producteur de Perfume. Deux artistes en plein zénith créatif dont la rencontre avec une jeune femme à l’univers singulier ne pouvait que faire des étincelles. Et pon pon wei wei wei déferla sur le monde…
A 18 ans, Kiriko Takemura, alias Kyary Pamyu Pamyu pour son blog de mode, avait déjà deux singles sans grande envergure à son actif. Publié sur YouTube le 16 juillet 2011, le clip de PonPonPon a tout changé. Légère et sucrée comme la plus rose des barbes à papa, la chanson composée par Yasutaka Nakata brisait la barrière de la langue en répétant à l’envi son titre simple comme bonjour. Conçu par Sebastian Masuda, le décor saturé de bibelots donnait corps au capharnaüm d’influences de la chanteuse, nourrie à la mode d’Harajuku autant qu’aux films d’horreur et à la pop occidentale. Chose rare pour une artiste japonaise, a fortiori débutante, la presse branchée s’est emparée de cette curiosité weird Japan et les interviews se sont multipliées. Aujourd’hui, le clip de la chanson a été vu plus de 178 millions de fois.
Dix ans après, Kyary Pamyu Pamyu est-elle toujours kawaii ? D’accord, elle était facile, mais la question traverse les célébrations de sa première décennie de carrière. Mercredi, le clip du single Gentenkaihi, sorti le 17 août, a été publié sur YouTube. Il montre la chanteuse de 28 ans poursuivie par un gros noeud rouge, symbole de ses débuts, qu’elle tente tant bien que mal de semer. Quand arrive le refrain et que l’accessoire la rattrape, elle se force puis fait la moue, comme prise au piège de ce qu’on attend d’elle. Pour autant, le morceau n’entérine pas une rupture avec la jeune Kyary, mais “chante la détermination d’aller de l’avant tout en revisitant ses racines”, selon son site officiel.
Si elle va s’engager l’année prochaine dans une tournée anniversaire à travers le Japon, la nouvelle Kyary Pamyu Pamyu compte aussi diversifier ses talents. Elle a fondé un label, KRK Lab, qui accueille son dernier single et le précédent, Gum Gum Girl. Selon une interview publiée sur son site anniversaire, la chanteuse aimerait s’essayer au doublage, à la comédie ou encore au design d’intérieur. En septembre 2020, elle a ouvert une maison de parfumerie, Nostalgia Syndrome, à l’esthétique étonnamment minimaliste. “J’ai d’impression d’être passée à côté d’opportunités ces dix dernières années”, a également confié Kyary, qui veut mettre en pièce son image de “chanteuse d’Harajuku au gros noeud rouge”. Et si elle trébuche en chemin, “ça [lui] est égal”.
Au vu de sa carrière musicale, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Après PonPonPon, Kyary Pamyu Pamyu a continué à nous servir des hits de manière régulière. Entre 2012 et 2014, la chanteuse a sorti un album par an, peuplés de tubes comme Candy Candy, Ninja Re Bang Bang, Fashion Monster ou encore Kira Kira Killer. Son quatrième et dernier album en date, Japamyu, se sera fait attendre quatre ans. Comme son nom l’indique, il mêlait au style Kyary des sons venus de la musique traditionnelle, comme dans l’imparable Oto no Kuni. Le clip de Kimi no Mikata montrait lui une jeune femme plus chic, toute vêtue de soie et sans le moindre noeud à l’horizon. Certes, l’album n’a pas rencontré le succès de ses prédécesseurs, mais il prouvait que Kyary n’avait déjà pas le coeur à la stagnation.
Le quartier où Kiriko est devenue Kyary n’est lui aussi plus tout à fait le même. En 2017, l’arrêt de la parution des magazines Fruits, Kera et Zipper a fait trembler Harajuku. Certains ont alors décrété que le hotspot était mort, quand d’autres ont affirmé qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Le développement des réseaux sociaux et la crise de la presse avaient sans doute plus à avoir avec ça qu’une soi-disant pénurie de “cool kids”. La pandémie de Covid-19, elle, est un autre genre de défi. Les boutiques ferment, tout se fait sur Zoom, il n’a plus de touristes. Avant 2020, les loyers trop élevés poussaient déjà certaines boutiques à déménager. Dans une interview au portail japonais Natalie la semaine dernière, Kyary Pamyu Pamyu a confirmé avoir vu beaucoup de ces locaux vacants. Au journaliste qui lui demandait si elle pourrait à elle seule revitaliser Harajuku, celle qui fut jadis ambassadrice du quartier a promis de faire de son mieux.
■ LA SEMAINE
Le tournage de la série Les Gouttes de Dieu, adaptée du manga du même nom, a déjà commencé en France, et va se poursuivre en Italie et au Japon. Prévue pour 2022, elle mettra à l’affiche Fleur Geffrier, vue dans Elle de Paul Verhoeven, et Tomohisa Yamashita, déjà habitué aux adaptations de mangas (Terra Formars de Takashi Miike). Gustave de Kervern figure également au casting. Le pitch de la coproduction franco-américano-nippone (France Télévisions participe) diffère un peu du manga. Ici, l’expert vinicole défunt est un Français appelé Alexandre Léger, père d’une prénommée Camille. Pour prétendre hériter de la faramineuse collection de bouteilles de son père, celle-ci devra affronter un certain Tomine Issei, formé par nul autre qu’Alexandre Léger lui-même. Oded Ruskin (Absentia) réalise cette adaptation qui comptera huit épisodes de 52 minutes.
Le Fuji Rock Festival a bien eu lieu le week-end dernier malgré le Covid-19. J’espère qu’il n’a pas créé un nouveau cluster, mais pour les non-Japonais qui l’ont suivi en toute sécurité sur YouTube, c’était super. Aucun artiste étranger n’ayant été invité, l’affiche était 100% japonaise. J’ai notamment suivi les concerts de CHAI, Yonige, Hitsujibungaku et Susumu Hirasawa, et je n’ai pas été déçu. Mentionnons également FINALBY (), un projet intéressant mêlant musique noise et expérimentations visuelles, avec la participation de Yamantaka Eye des Boredoms.
La newsletter This Side of Japan revient sur les accusations de maltraitance envers Seiko Oomori. LISA SOLO WHEN, demandaient les fans, LALISA SORT LE 10 SEPTEMBRE, répond YG Entertainment. Les fans de Dua Lipa et Olivia Rodrigo accusent les fans de BTS de triche aux charts. R.I.P. le groupe féminin SOLIA, forcé de se séparer au bout de cinq jours. L’interdiction faite aux ados de jouer en ligne après minuit devrait être abolie en Corée du Sud. Martin Luther King est dans Fortnite alors que les écrans de chargement parlent de headshots. Blizzard Entertainment va renommer McCree d’Overwatch après avoir poussé dehors le développeur éponyme. Soyez sympas, ne demandez pas à vous faire rembourser les jeux Steam de moins de deux heures.
■ LE MORCEAU
Attention, chef d’oeuvre. Si vous ne devez écouter qu’une seule nouveauté cette semaine, c’est bien le nouvel EP de Jiwoo, Esprit, sorti mardi chez WAVY, le label du chanteur sud-coréen Colde. Déjà auteur d’un premier EP intitulé Maison, sorti en 2019 à la même adresse, le Sud-Coréen propose cinq pépites intimistes de R&B jazzy qui ont la faculté d’envoûter l’auditeur dès les premières secondes. La finesse des compositions, épurées de tout superflu, la douceur de la voix de l’interprète, ainsi que le soin apporté à l’identité visuelle de l’EP font de cette sortie une réussite.
■ LE FILM
Les films du studio Ghibli sont sur Netflix, mais ils sont aussi chez Wild Side. L’éditeur, qui a récupéré les droits pour la vidéo détenus jusqu’alors par Disney, a sorti mercredi une première salve de huit films, proposés à la fois en Blu-ray et en DVD. Au menu, Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro et j’en passe. Les films sont proposés dans des boîtiers cartonnés, et les galettes ne proposent pas de bonus. Les prochains films, dont Porco Rosso, devraient arriver à la fin de l’année.
■ L’OBJET
Si vous aimez les mangas d’horreur, les films de genre, le catch et le tokusatsu, alors la marque japonaise Hardcore Chocolate est pour vous. Je suis tombé dessus en voyant passer des photos d’un super t-shirt Junji Ito, l’auteur de Tomie et Spirale. S’ils sont tous en rupture de stock aujourd’hui, j’ai quand même pu en acheter un et je suis ravi de mon achat. Pas plus tard que mercredi, il m’a même valu un compliment dans le métro. Dernièrement, la griffe pour gros nerds a ajouté à son catalogue quatre t-shirts Kazuo Umezu (aussi appelé Kazuo Umezz), auteur de Je suis Shingo et L’Ecole emportée, manga culte réédité en ce moment même par Glénat. Pour commander sur le site de la marque ou sur Amazon Japon, il vous faudra passer par un service de réexpédition.
■ LE DESSIN
■ L’AGENDA
🎥 Le festival de cinéma lyonnais Hallucinations Collectives s’ouvre le 31 août avec le très attendu Belle de Mamoru Hosoda. Shin Godzilla de Shinji Higuchi et Hideaki Anno clôturera les festivités le 6 septembre. D’autres pellicules japonaises sont au programme, dont Cold Fish de Sion Sono et Mind Game de Masaaki Yuasa.
13 avenue Berthelot, 69007 Lyon
🎥 La nouvelle édition de L’Etrange Festival aura lieu du 8 au 19 septembre au Forum des Images, et il y aura du cinéma japonais. En compétition, d’abord, avec Prisoners of the Ghostland de Sion Sono (un film américain, certes). Dans les focus, ensuite, avec plusieurs films d’Atsushi Yamatoya et Yuzo Kawashima. D’autres longs-métrages nippons - et Sud-Coréens - se cachent dans la programmation. Réservations en ligne ouvertes le 1er septembre.
2 rue du cinéma, 75001 Paris
🎨 Le Centre culturel coréen à Paris propose une exposition gratuite qui devrait ravir les amoureux des livres. Intitulée Minhwa “Chaekgeori... de la beauté des livres”, elle rassemble les oeuvres d’artistes contemporains inspirés des natures mortes de style chaekgeori, centrées sur les livres et l’écriture. A voir jusqu’au 10 septembre.
20 rue la Boétie, 75008 Paris
📷 L’exposition Moriyama - Tomatsu : Tokyo continue à la Maison européenne de la photographie jusqu’au 24 octobre. S’y trouvent plus de 400 photos de Daido Moriyama et Shomei Tomatsu, chacun occupant son propre étage. L’amour du noir et blanc est recommandé.
5/7 rue de Fourcy, 750004 Paris
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C’était Cyberia N°#007. A samedi !
@presenceinwired